Les métamorphoses du serpent blanc

L’oeuvre

Un conte lyrique en six chants
Texte français de Laure Gauthier
Texte chinois de Xu Yi
Musique de Xu Yi
Aide à l’écriture d’une œuvre musicale originale par le ministère de la Culture

Voir le site de la compositrice Xu Li

Chœur d’enfant de La Maîtrise de Pairs
Brigitte Coppola, chef de chœur
Ensemble instrumental du Conservatoire
Pauline Nachmann, Soprano, étudiante du département supérieur de jeunes chercheurs
Danielle Arrigoni, mezzo-soprano
Petit chœur d’enfants de la Ville de Beauchamp, Bérénice Blackstone, chef de chœur
Dispositif électroacoustique de l’université de Marne-la-vallée
Martin Laliberté, réalisateur en informatique musicale,
Jérôme Polack, direction

Création

Création au Conservatoire à rayonnement régional de Paris le 20 janvier 2020
Dans le cycle « Sirènes et autres chimères »

20.01.2020 : Auditorium Marcel Landowski – 19h
14, rue de Madrid, 75008 Paris

Que faire à Paris : Les métamorphoses du serpent blanc, conte chinois

Concert redonné à Beauchamp, le 25.01.2020 à 19h

Peut-on questionner la voix animale aujourd’hui ? Comment réécrire un conte en poésie. Comment une poète occidentale et une compositrice chinoise peuvent-elles, ensemble, recréer un conte chinois et poser des questions à la voix, à la poésie mais aussi à l’écart fructueux entre orient et occident ?

A propos de la pièce 

Conférence de Laure Gauthier à l’Ircam le 27 novembre 2019, un film d’Eric de Gélis.

Cette conférence est donnée dans le cadre du Séminaire « Poésie et musique » que donne Laure Gauthier à l’Ircam pour le cursus. Voir le lien :

« Le dialogue des continents dans Métamorphoses du Serpent Blanc de la compositrice Xu Yi »,

Un article de Michèle Tosi paru dans ResMusica le 25 janvier 2020 :

Le dialogue des continents dans Métamorphoses du Serpent Blanc de la compositrice Xu Yi

Note d’intention

Dans le monde occidental comme chinois, le serpent était principalement lié à la figure de la femme et au mal. Les éléments sortis de l’imaginaire des contes chinois du temps de la dynastie Song doivent nous permettre de poser des questions à la langue poétique et au lien poésie et musique. De reposer par ailleurs, autrement, les questions de l’animalité, de la spiritualité et de l’amour dans notre société occidentale tardive.

Dans le Serpent blanc, le récit est centré sur un serpent qui prend la forme d’une femme. Celle-ci a des pouvoirs magiques, mais recouvre sa forme de serpent de façon accidentelle. Je me suis plongée dans les différentes versions des textes afin de ne pas en rester à la surface de la légende, aux motifs déjà stylisés par la pratique du genre opératique, filmique ou romanesque. Il s’agit pour moi de faire apparaître le mouvement profond qui meut ces récits. Interroger les réécritures, les confronter pour faire apparaître les failles, les lignes de force et voir ce qu’il y a derrière la voix de ces femmes-serpents, entre les faits relatés par la chronique littéraire et actés par l’iconographie. En quoi ces femmes-serpents peuvent-elles nourrir un chant poétique contemporain ?

Je cherche à dynamiter les bienséances qui ont contribué à atténuer le caractère subversif de ces histoires, pour le rendre conforme à leurs sociétés respectives. Qu’elle soit occidentale ou orientale, la réécriture a toujours cherché à « civiliser » la femme-serpent, à la rendre épouse modèle ou mère parfaite. Dans le livret, Dame blanche et sa servante, seront des voix incarnées, portant des émotions les mettant en mouvement, mais elles ne sont pas des « personnages ». Elles restent plastiques, poétiques, voix en réécriture d’elles-mêmes. Qui voyagent dans l’espace et le temps et ne sont pas figées : des êtres à la voix. Ma poésie est une poésie pour voix sans épanchement, sans ancrage psychologique. Chaque voix incarne un tempo de la pensée, déploie des images sonores et picturales.

Ce texte est une poésie « entre les langues ». Il ne s’agit pas de limiter le Serpent blanc à une tradition chinoise. Mais de rajeunir la langue en inventant une poésie nouvelle à partir de contes séculaires et de faire circuler, serpenter, la langue entre orient et occident. La voix principale n’est pas la voix d’un personnage. Je fonde sa parole sur une forme de poésie héritée du Moyen Âge européen, à savoir la sextine composée de six sizains. Inventée par le troubadour Arnaut Daniel au XIIe siècle, elle fut utilisée par Dante et Pétrarque mais aussi récemment par les oulipiens (O. Pastior, I. Monk ou encore H. Le Tellier). « La sextine », comme la définit Jacques Roubaud dans La fleur inverse, « est une canso de six strophes sur six rimes. Mais les rimes ne sont pas vraiment des rimes, puisque ce sont des mots-rimes, toutes les six. » Autrement dit, les six strophes qui composent la sextine comportent six vers qui finissent non pas seulement pas des rimes syllabiques mais par des mots entiers : les 6 « mots-rimes » de la première strophe sont ensuite repris en fin de vers des cinq autres strophes dans un ordre modifié. La sextine a une forme que l’on peut qualifier de spirale, de « serpent ». Cela donne un jeu sur la permutation, la répétition et le semblable-dissemblable. Une métamorphose en acte. Construite de façon circulaire, comme une tornade, elle convient à la parole poétique des femmes-serpents qui pensent et agissent librement. J’apporte à mon tour des modifications à la construction de la sextine, pour accentuer ce qui serpente en la voix, une force pour faire sortir la langue de ses gonds.

Je conçois le chœur non pas comme personnage mais comme entité, principe poétique et dramaturgique. À la fois il donne des indications dramaturgiques et situe l’action, et par ailleurs, il est un point de vue (« point of view ») impersonnel. Il permet d’introduire une perspective décentrée. Si dans la peinture chinoise ce « décentrisme » permettait essentiellement de ne pas tout montrer pour laisser intact le souffle, et donc le mystère du monde, il permet ici de maintenir une zone impersonnelle. Le chœur pourra ainsi adopter des points de vue comme celui de l’eau ou du nuage, mais aussi celui d’êtres qui traversent le conte comme le moine Farhaï ou le prétendant Xu Xian.

À la différence de l’opéra, genre de la monstration, la poésie est un genre de la suggestion, de l’absence, du hors-champ. Le dialogue entre les voix des deux chœurs et la voix plurielle qui parle en sextines permet de ne pas fixer des identités, des personnages, mais de développer, une nouvelle polyphonie poétique aujourd’hui.

EXTRAIT DU LIVRET :

Chant 1 :

Solistes :

L’histoire commence toujours dans l’EAU
Elle essore nos peurs en LANGUE
Et d’ondines plus que le KLANG
Puis l’archive du vide, loin des GRIMM
Le vide est le plein, vois le DÉ
Te jette loin, regarde le NUAGE

Du stratus du conte, du NUAGE
Ne sais plus rien, roman à l’EAU
de rose du lac et : dépierre, DÉ
monte le conte et mite sa LANGUE
pitié pour la pithie : GRIMM ?
Oublie Universal, leur KLANG

Le temps sans histoire est un KLANG
Le blanc du mythe, le NUAGE

Maîtrise :

Trace de figue, blanc sur fond GRIMM
Puis un poème aggrave l’EAU
Le fond blanc grève la LANGUE
Serpent chanté éboule le DÉ

Émoi, dis-tu, encore au DÉ
Et de la peau mutuelle, le KLANG
Sur le rouleau, écris la LANGUE
Un trait gris depuis le NUAGE
xu xian soudain te parle de l’EAU
De qi le trait d’encre te GRIME

Transparent d’EAU, dense de LANGUE
N’oublie le KLANG, le chant post GRIMM
Éprouve le DÉ, prouve le NUAGE